Définitions : sanctions et embargos

Le sujet de compréhension d’autrui est vaste. Si dans la communication avec les proches nous nous trompons sur leurs intentions environ une fois sur deux, que dire de la communication entre les personnes en général. L’une des causes de cela réside dans le fait que nous sommes inondés par l’information, ce qui nous donne des idées vagues sur beaucoup de sujets, beaucoup de termes, tout en nous procurant la sensation de possibilité de bien maitriser énormément de sujets.

Le plus souvent tout est question de définitions. Lorsqu’il s’agit du monde physique, régi par les sciences exactes, chaque mot prononcé nous donne une vision assez claire de l’objet nommé: une rose, une chaise, un bus… Cela se gâte lorsque nous passons dans le monde des sciences humaines et sociales, où chacun se croit libre de donner une interprétation aux termes pourtant bien définis.

Prenons les mots qui ont été souvent utilisés au cours des derniers mois, voire années: embargo et sanctions.

Le mot sanction est employé essentiellement en droit, mais son usage s’est étendu sur plusieurs aspects de notre vie (sociale, éducative). Une sanction est appliquée par une autorité comme la conséquence, positive (une récompense) ou négative (une peine), d’un comportement d’une personne physique ou morale. En ce qui concerne les personnes physiques, les sanctions contre elles concernèrent généralement le gel de leurs biens (comptes bancaires, ainsi que tous les portefeuilles de leurs actifs liquides et illiquides connus), restrictions sur leurs déplacements (refus des visas). Toute relation commerciale directe ou indirecte avec les personnes soumises aux sanctions peut être interdite ou soumise aux autorisations.

Le mot embargo est utilisé essentiellement dans les domaines économique et politique. C’est une mesure qui s’appuie sur des moyens diplomatiques, judiciaires et militaires. L’État qui en est victime peut se trouver alors dans une situation de pénurie. Un exemple type est l’embargo de l’ONU contre Iraq après son invasion du Koweït en 1990. Cette mesure qui a duré douze ans, a provoqué des conséquences désastreuses sur les conditions de vie et la santé de la population.

De point de vue juridique l’embargo désigne les sanctions qui sont prises à l’encontre d’un pays ou d’une partie d’un pays, et peut concerner un secteur économique/industriel (le pétrole, l’armement) ou une technologie particulière.

Outils géopolitiques puissants, les embargos et les sanctions peuvent, néanmoins, se dégrader en devenant purement décoratifs ou absurdes. Cela arrive généralement lorsqu’un embargo est en contradiction avec les intérêts économiques des entreprises ou des Etats.

En tant qu’exemple de l’embargo qui ne soit pas respecté citons celui interdisant la vente d’armes à la Chine suite à la répression de la manifestation de la place Tiananmen en 1989. D’après plusieurs rapports, cet embargo a été contourné multiples fois.

Dans le domaine des sanctions absurdes nous pouvons mentionner la proposition par David CAMERON de couper l’accès de la Russie vers le réseau SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication). Malgré la précipitation quasi-animale avec laquelle les députés européens se sont empressés pour introduire cette mesure comme proposition des sanctions futures, SWIFT, la société de droit belge, l’a pragmatiquement déclinée. Par ailleurs, nous n’entendons plus David CAMERON réitérer sa proposition. Ceci est probablement dû au fait qu’en dehors des belles postures politiques le Premier Ministre britannique est entouré de plusieurs conseillers économiques de haut niveau.

La déconnexion de réseau des échanges interbancaires a déjà été utilisée en tant que sanction. En 2012, suite à la décision de l’U.S. Senate Banking Committee et de l’UE, plusieurs banques iraniennes ont été déconnectées de SWIFT. Néanmoins, du point de vu taille et interconnectivité avec le système économique et financier mondial (et surtout Européen) on ne peut pas comparer l’Iran et la Russie. En cas de déconnexion du SWIFT, les banques et les entreprises russes ne seront pas « mises à genoux » comme le présagent certains. Elles auront des difficultés, mais elles pourront effectuer leurs transactions financières via d’autres réseaux et places financières internationales (Singapour, Shanghai, Dubaï…). Toutefois ces transactions prendront plus de temps à aboutir. Or, dans le système financier mondial, où nous avons de plus en plus l’habitude au temps de transactions qui se compte en millisecondes, les 2-3 jours de retard de paiement auront dangereusement réduit la liquidité du système. Il est tout à fait probable qu’en quelques semaines (voir jours) nous nous soyons retrouvés dans une situation proche de 2008.

En ce qui concerne la France, elle reconnaît et distingue trois types de sanctions:

  • Sanctions décidées par l’ONU : une Résolution du Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies (CSNU) met en place un régime de sanctions financières, économiques et commerciales, à charge pour chaque pays de le transposer en droit interne et de l’appliquer. S’agissant des États membres de l’UE, la mise en œuvre des Résolutions CSNU peut être faite, en tout ou partie, par l’UE dès lors que les domaines d’actions relèvent de l’Union.
  • Sanctions mises en œuvre au niveau européen : elles sont un outil de la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC) et prennent la forme d’une décision de PESC de l’Union. Lorsque ces décisions engagent une action dans les domaines relevant de compétence des Communautés européennes, elles sont mises en œuvre par un Règlement (UE) du Conseil ou de la Commission.
  • Sanctions mises en œuvre au niveau national : elles sont mises en œuvre par décret ou arrêté du Gouvernement français en application du Code monétaire et financier.

L’application de cette législation a quelques spécificités :

  • Une Résolution du CSNU ou une Décision/PESC de l’UE sont des normes opposables aux seuls Etats et n’ont pas d’effet direct sur leurs citoyens. Ces normes ne sont donc pas applicables en France directement.
  • Un Règlement de l’UE est une norme opposable ayant valeur de loi. Il est directement applicable dans tous ses éléments dans tout État et n’a pas besoin d’être transposé dans l’ordre juridique national des Etats membres. Il entre en vigueur le jour de sa publication au Journal Officiel de l’UE et n’a pas à être publié ou ratifié par la France pour s’imposer à tous les citoyens et à toutes les entreprises françaises.

Donc, si vous n’êtes pas un lecteur (une lectrice) assidu(e) du Journal Officiel, vérifiez régulièrement auprès d’un avocat si le fonctionnement de votre vie professionnelle ou personnelle n’est pas en infraction par rapport à l’un de nombreux Règlements publiés régulièrement en grande quantité…

Source d’image : Wikipedia (Sanctions américaines dans le monde)

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Irina SIDOROVA

Irina SIDOROVA, Avocat au barreau de Paris, est une spécialiste de droit international économique. Une grande partie de son temps est dédiée aux affaires...

Lara STANLEY

Lara STANLEY écrit les analyses centrées essentiellement sur les sujets de l’économie, la finance et la société. Ayant travaillé dans les domaines de développement,...

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